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    Un « couvre feu » pour mineurs à Aussillon.

     

     

     

    Fin juillet 2011, l’équipe municipale d’Aussillon (Tarn) a pris une décision qui a dû lui faire mal au cœur : interdire certaines rues de la commune la nuit aux mineurs.

     

    Cette décision intervient suite à deux nuits qui ont agité le quartier de la Falgalarié-Rougearié à Aussillon fin juillet.

     

    Ces deux nuits d’agitation (incendie de véhicules, incendie de containers poubelles, bris de vitrines de commerce…) font elles-mêmes suites à de nombreux autres incidents que connaît le quartier depuis quelques années.

     

    Je ne vais pas donner plus d’éléments aux partisans du tout sécuritaire, aux racistes et anti-jeunes, mais néanmoins je ne veux pas donner l’impression de nier la souffrance et la peur des personnes « victimes » des actes de dégradations ou/et de violences.

     

    Il me semble intéressant de revenir sur la décision de l’équipe municipale d’Aussillon et sur la situation dont nous héritons.

     

    Je n’ai aucun doute sur la sincérité de l’équipe municipale d’Aussillon lorsqu’elle estime ne pas avoir d’autres solutions pour tenter de mettre un peu de calme dans le quartier et rassurer une partie de la population. Je n’en ai aucun doute. Sincèrement. Cette équipe municipale n’a rien de comparable à certaines équipes municipales animées par des sentiments moins nobles que de protéger la jeunesse contre elle-même (Mazamet, Castres, Lavaur…) ! Le problème, c’est que pour faire le bien de la population du quartier et celui des mineurs par la même occasion (qui selon certains n’auraient rien à faire dans les rues au beau milieu de la nuit, point de vue que je ne partage pas ayant moi même été jeune il n’y a pas si longtemps !) on fait le choix d’adopter un comportement liberticide.

     

    On assassine un peu de liberté sous prétexte de garantir la liberté !

     

    Je suis aussi conscient qu’on ne peut pas rester les bras croiser en attendant qu’un grave accident survienne suite à ces actes devenus banals (exemple d’un accident qui peut dégénérer : septembre 2005, à l’Hays les Roses – Val de Marne – 3 jeunes filles mettent le feu à une boite aux lettre dans un immeuble. L’incendie se répand. Les fumées toxiques provoquent la mort de 18 personnes.). Nous savons que la répression, la prison, les menaces ne pourront en aucun cas endiguer un problème profond sans en avoir identifié la (les) source(s). Et quoi qu’en pensent certains, ni l’ultra répression ni le laxisme n’apporteront un début de réponse(s) au problème. La répression n’est qu’une réponse (inadaptée) aux symptômes mais elle n’a aucun effet sur la source du problème. Alors cette source où se trouve-t-elle ? Et d’ailleurs n’y a-t-il qu’une source à ce problème ou bien est-ce que nous avons à faire à des comportements répondant à plusieurs sollicitations ? Une fois que nous aurons défini les sources des problèmes engendrant les actes d’incivilité, de malveillance, de délinquance, pourra-t-on affirmer que la municipalité d’Aussillon (comme toute autre municipalité) a les moyens de répondre en tarissant les sources des problèmes ? Surtout quand on constate le désengagement et les désinvestissements généralisés de l’Etat dans l’éducation, l’associatif, le logement…  

     

     

    Quelles analyses pouvons-nous tenter sur le pourquoi de ces comportements absurdes ?

     

    Ne sont-ils pas les manifestations d’un malaise grandissant ?

     

     

     

    -Perte de repaire vis-à-vis de parents difficilement « intégrés », dont l’autorité parentale a du mal à s’exprimer ?

     

     

     

    -Quelle est l’influence des médias dans lesquels les faits divers tiennent une place plus importante que l’information neutre ? Médias dans lesquels la vie des « stars » est examinée sans pudeur afin de paraître bien plus importante, bien plus passionnante que celle que nous menons nous, foultitude des anonymes. 

     

     

    - Quelle est l’influence de certaines formes artistiques (cinéma, musique…) où le rêve côtoie souvent l’ultra violence ? Lorsque le héros sur lequel on cherche à s’identifier pour sortir de l’enfance et de l’identification aux parents n’est autre qu’un chanteur arrogant et vulgaire, un sportif millionnaire, un trader cocaïné ou un pdg de start-up alignant les clichés de semblant de réussite (voiture de sport ou de luxe, bijoux en or, filles jolies et apparemment disponibles), quels sont les repaires offerts par des Zinedine Zidane, Nicolas Anelka, Steevy Boulez, Zahia, Dominique Strauss-Khan, Nicolas Sarközy, Frédéric Lefèvre, Marine Le Pen, Ségolène Royal, Christine Boutin, Eric Zemmour, Alain Soral, Arthur, Orelsan, BHL, Vincent Delherm, Jérôme Kerviel, Sami Naceri, Justin Bibbers, Nicolas Hulot, Angelina Joly, Kate Moss, Mark Zuckerberg (inventeur de facebook), Doc Gynéco, Jean-Marc Pastor ? (liste non exhaustive, chaque époque ayant ses médiocrités !)   

     

     

     

    - Quelle est l’influence de la situation sociale du bassin mazamétain ? Le manque de perspectives professionnelles dans son lieu de vie n’a-t-il pas un impact psychologique sur des individus à qui on tente de faire croire que l’intégration dans la société adulte est liée à l’emploi, au travail, au revenu afin de pouvoir perpétuer la domesticité, la docilité, l’obéissance qui sont attendues de lui ? Néanmoins cette question est à mettre en perspective avec le fait qu’Aussillon n’est pas la seule commune à connaître des actes d’incivilité, de « violences urbaines » ; la situation sociale et économique générale serait peut-être à mettre en questionnement à son tour.

     

    L’ascenseur social est bloqué nous dit-on. J’ai plutôt l’impression qu’il descend vers les sous sols !

     

    Que représentent les objets les plus souvent vandalisé ?

     

    - Voitures ?

     

    - Containers de poubelles ?

     

    - Vitrines des commerces, banques, pharmacie ?

     

     

    - crèche, centre social ?

     

    Le système consumériste, l’urbanisation inadaptée à la dignité humaine, les services ayant un rapport avec les institutions publiques honnies…

     

    L’aliénation à la société de consommation dans laquelle nous sommes encouragés à entrer par d’innombrables artifices (publicités incessantes et omniprésentes), mais dans laquelle nous ne pouvons accéder que grâce à l’argent libérateur que l’absence de travail ne rend pas accessible.

     

     

    Parfois j’imagine que ces actes d’incivilité pourraient correspondre à de nouveaux rites initiatiques correspondant à un passage à l’âge adulte ? Dans nos sociétés contemporaines, seul l’état civil nous désigne comme adulte, donc prétendument mature pour s’assumer (il fut un temps où le service militaire, parait-il, remplissait ce rôle pour les jeunes garçons dans de nombreux pays. Je précise que je ne suis pas nostalgique de ce temps révolu !). Une forme de reconnaissance de ce statut d’adulte ne devrait-elle pas être mise en réflexion ?

     

    Brûler des véhicules serait-il une forme d’exercice expiatoire ?

     

    Un rite permettant de brûler sa mue pour passer dans un corps d’adulte ?

     

    Un jeu dangereux d’affrontement avec l’autorité afin de se fixer des limites; limites repoussées toujours plus loin ?

     

    Nombreux sont les peuples où les adolescents subissent (c’est le terme adapté, il me semble) une série de tests, d’épreuves qui les mènent à l’âge adulte. Sans en arriver à de tels extrêmes, il faudrait peut-être se poser la question du sens de ces rites. Et se demander ce qui nous manque, à nous ou à celles et ceux qui refusent de vivre « docilement » dans ce système pour accepter ledit système.

     

    Une sorte de contrat signé entre la « société » et le contractant. Un contrat social. Un contrat de maturité. Mais pour cela il faudra bien une période d’apprentissage de la vie d’adulte ! Une formation en supplément de la scolarité… ou en même temps.

     

    J’ai conscience que mon projet de contrat social est lacunaire : car si une personne refuse de contracter… on fait quoi avec ? Moi-même, si on m’avait demandé de signer un contrat acceptant les termes de la social-démocratie capitaliste, me demandant de m’aliéner, de subir, docile, confiant… il est certain que j’aurai refusé ! D’ailleurs, n’ai-je pas moi-même déjà mis le feu ?   

     

     

     

     Patrice K

    5 août 2011

     


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