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    LE THÉÂTRE MACABRE. Patrice, 20 septembre 2000.

     

       Un spectacle pyrotechnique,

    Le glauque d’un suave enfer ;

    Enchevêtrement de feu, de fer,

    Une ombre plane, tragique…

    Un silence assourdissant

    Fait écho à l’orage grondant ;

    La pluie se déversant,

    Ruisselle sur les corps mourants…

     

       Un éclair déchire le ciel,

    On confond les étoiles et les traînées d’obus ;

    Le sol est couvert d’un terreau vermeil ;

    Se morfond de honte l’Humanité déchue !

    Le vent porte les âcres odeurs de chair

    Vers des horizons devenus déserts ;

    Des colonnes fumées ténébreuses

    Montent aux cieux de la faucheuse…

     

       La patrie du crime

    A envahit le monde,

    Et du haut des cimes,

    Flotte son drapeau immonde.

     

       Un cri déchire la nuit,

    Un sanglot murmure, et s’enfuit,

    Des larmes se fondent dans la boue,

    S’alarme le monde des fous !

    Des bannières dansent sous l’aquilon,

    Le charnier est festin pour les vautours,

    La mort est présente tout autour,

    Les chants de la haine résonnent en fond !

     

       Une sirène hurle à la lune,

    Telle une meute de loups aux abois ;

    La défaite aura goût de rancune,

    La victoire bafoue les cyniques lois !

    La victoire spolie le respect,

    La victoire parodie l’espoir de paix ;

    Des cendres du combat, de la douleur,

    Naîtront vengeances et rancœurs…

     

       Un spectacle macabre

    S’est joué en ce théâtre.

    Des corps sans vie, décharnés

    Témoignent de l’amour des guerriers…

    Un échiquier à échelle humaine,

    Des pions armés pour leur peine ;

    Les généraux, cachés, aux médailles de sages,

    Les héros, parfaits, aux sourires d’anges !

     

       L’histoire brûle ses pages,

    Les mémoires oublient la rage.

    Le temps recouvre de son mensonge

    La Terre qui court vers un songe… 


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      LE TANGO DE LA DOULEUR. Patrice, 24 septembre 2000.

     

       Sur le grabat d’un hôtel sordide,

    Quelques gouttes d’un suspect liquide ;

    Aux pieds du lit,

    Un corps gît, sans vie...

    Recouvert d’une fine toile,

    La silhouette a rejoint les étoiles

    Et circule dans ses veines

    Le poison malsain de ses peines…

     

       Quelques dollars éparpillés :

    Le prix de sa chair.

    Pour quelques billets verts,

    Elle s’offrait aux pervers…

    Une peau dorée, maintes fois salie

    Par des mains trop propres.

    Jetée dans l’opprobre,

    Abysse infini…

     

       Ne plus souffrir telle existence,

    Rêvant de fuir son ghetto :

    « Partir, vivre d’errance,

    Vers un univers plus beau ! »

    Une dose toujours plus mortelle ;

    S’offrant aux piqûres cruelles ;

    Frêle enfant même pas femme,

    Tu erres à l’état de fantôme…

     

       Danse nue pour mes yeux fous !

    Valse seule pour l’éternité !

    Il y a longtemps que l’espoir t’a quitté !

    « L’eldorado, disais tu, c’est vers où ? »

     

       Tendre héroïne aux yeux flous,

    Le temps ne t’est plus compté ;

    Vas vers les nues pour conter

    Le sort triste de l’humanité.

     

       Une jinetera s’éteint dans la nuit,

    Son âme s’enfuit sans un bruit…

    La flamme de sa bougie vacille,

    Son esprit glisse, docile.

     

       En dehors, jouent les guitares,

    Chantent et rient les fanfares ;

    Des louanges aux dieux,

    Des larmes plein les yeux.

     

       La peur de l’enfer

    Pour oublier la misère.

    Tango et salsa rythmés en chœur,

    Et meurent les oubliés sans cri de douleur…

    Le soleil attise les requins,

    Et les attable pour leur festin !

    Pour certains, destin tragique !

    Pour d’autres, trafics bénéfiques…

     

       Aujourd’hui, je ne vois que la rage

    Dans les regards perdus

    De ces fillettes vendues

    Dès leur plus jeune âge…


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    LE SACRIFICE. Patrice, 3 octobre 2000.

     

       Le soleil, à son zénith, baigne le temple ;

    Ses rayons chaleureux et irisés

    Se reflètent sur les toges blanches et amples

    Des prêtres-rois divinisés.

     

       Le vacarme de la foule en transe

    Fait place aux hymnes, aux louanges.

    Les nymphes dénudées entrent en danse

    Sous les regards médusés des faux anges…

     

       Musique lancinante, rythme obsédant,

    Berçant de douceur la force des chants.

    Agenouillés devant le grand autel,

    Les condamnés, l’œil rivé vers le ciel…

     

       Déjà, on entend le crépitement

    De l’enfer des brasiers déments ;

    Le feu lèche de ses flammes

    Les corps sacrifiés pour ce drame !

     

       Résonnent les lamentations,

    Y répondent les acclamations

    Des témoins en prières

    Sous l’écarlate lumière…

     

       Montent vers l’empyrée

    Les cris d’animaux immolés,

    L’agonie des égorgés, des crucifiés,

    Noyés dans le sang des écartelés,

    Mêlés d’hallucinantes vaticinations,

    De délirantes incantations…

     

       Ce charnier offert aux dieux,

    Les saigneurs prient les odieux.

    Les pèlerins reprennent leur route,

    Le crépuscule caresse leurs doutes…

     

       Au loin, une auréole vermeille,

    Efface cette journée cruelle.

    L’effusion de mort pour la terreur !

    Les despotes, encore, sortent vainqueurs !

     

       On assume la honte d’un sacrifice

    À la peur de l’ombre d’un maléfice.

    Les paroles divines et sacrées sont lues,

    Alors le peuple obéît aux héros élus !

     


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    LE POÈTE SACRIFIÉ. Patrice, novembre 1999.

     

     

       C’était un fier guitariste

    À l’œil clair, au regard triste ;

    Certains le considéraient comme un poète, un prophète,

    D’autres l’exécraient telle une peste, une maudite bête…

     

       En quelques vers, il rendait espoir

    À ceux qui avaient tout perdu ;

    Il ne cessait de croire

    Que l’humain avait des vertus…

     

       Patrouillant dans des rues

    Déchirées par les obus,

    Les troupes de soldats armés

    Aux âmes damnées…

     

       La liberté au bûcher, autodafé ;

    La paix, l’espoir sont sacrifiés…

    Malgré la haine, lui, rêve

    À une prochaine trêve.

     

       Il écrit l’amour,

    Il chante pour toujours !

    Il joue pour contrer l’horreur ;

    Il rythme la vie des rêveurs !

     

       L’inévitable guette,

    Les bras armés de la tyrannie

    En cellule, le jettent

    Pour taire ce cri !

      

       Mais l’ombre terrible du cachot

    Ne l’empêchera pas de coucher ses mots

    Sur les planches brisées

    De son instrument préféré…

     

       Cruauté du destin,

    Ses ignobles geôliers

    Lui ont tranché les mains

    Et sa langue de parolier…

     

       Il ne pourra désormais

    Plus crier l’amour, la liberté !

    Il ne pourra plus serrer

    Les poings de fraternité…


    à Victor Jara (1932-1973) entre autres...


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    LE PANIER DE CAFARDS. Patrice, juin 2000.

     

       Ce panier de cafards se vautrant dans leur fange et leur médiocrité,

    Profitant de nos cécités, de nos égoïsmes, de nos frilosités

    Et de nos résignations pour s’inscrire dans le cours de l’histoire,

    Pour se sentir ainsi appartenir à une élite intellectuelle

    Que je renie, que je dénigre, que j’exècre, que j’abhorre…

    Sur leurs tas d’immondices fétides et purulentes,

    Je me dresse sans honte !

     

       La lumière et les caméras les excitent et les grisent,

    Ainsi, dans un coït géant,

    Il partage leurs joies-semences

    Et pullulent sous les flashes médiatiques.

    Ces cloportes héliotropes nous chantent leurs refrains sacrés,

    Bercés d’illusions, nous sombrons dans l’apathie

    Pour une danse macabre en gloire de leur victoire,

    Que nous célébrons, hagards et ivres,

    Comme si elle était nôtre !

     

       Témoins muets de notre éternelle misère,

    Nous subissons en geignant

    Le poids du fardeau trop lourd de l’acculturation.

    Les yeux embrumés d’une impression de joie,

    Certains s’empressent de leur baiser les pieds,

    Qui nous foulent, hautains, évitant la souillure

    Que nos membres amaigris pourraient leur causer.

    Un aria somptueux monte des nefs

    Du temple érigé pour les idoles.

     

       Le chapiteau est décoré pour la foire,

    Les projecteurs sont braqués sur les clowns,

    Sourires et larmes sont les seules armes autorisées,

    Vous devez laisser votre âme à l’entrée

    Et ne pas susurrer vos douleurs et angoisses,

    Mais communier votre candeur…

    Des propos vides de sens devenus axiomes philosophiques,

    Alors que la vérité, elle, paraît invraisemblable

    Aux oreilles des sourds entendant…

     

       Cette société du spectacle me fait vomir,

    M’enrage et me glace d’effroi…

     


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