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    PRÉFACE À MES ANGOISSES. Patrice, 20 janvier 2001.

     

       Pense-t-on que je puisse avoir peur de prendre la vie d’un assassin, de mes mains ?

     

     Pense-t-on que je puisse avoir peur de voir mes nuits hantées des images de l’horreur que j’aurais pu commettre ?

     

       Cela plus d’un quart de siècle que mes nuits sont tourmentées !

     

       Lorsque mes yeux s’éteignent, je sens des parfums âcres monter en moi, me serrer la gorge comme pour m’étouffer.

       Je me vois alors errer dans un décor apocalyptique. Des cendres ; des cris, des pleurs ; autour de moi, des baraquements délabrés et sinistres, surveillés de miradors armés…

       Je m’approche de la source présumée des gémissements : une fosse creusée dans le sol, d’où s’élève une noire fumée.

       J’y plonge mon regard, je crois mes yeux me trahir : des milliers de corps entassés, décharnés, démembrés ; certains remuent encore, attaqués qu’ils sont par les flammes infernales. Je voudrais éteindre ce feu incessant, ou bien fuir, loin ; ne plus sentir l’empyreume poison ; ne plus entendre ces hurlements…

       Mais je suis hypnotisé, halluciné. Mon corps ne veut se mouvoir.

       Autour de moi s’activent des fantômes en tenue militaire ; ils ne me voient pas, je suis intégré à ce théâtre innommable.

       Des longs poignards qu’ils tiennent en main s’écoule un mélange de sang et de poussière. Ils entrent dans les bâtiments, et en ressortent, une silhouette humaine traînée par les cheveux. Devant le gouffre béant d’où s’élève l’odeur de mort, le sacrificateur fait son office. Le parterre est souillé d’un fluide vermeil. Les supplications n’empêchent pas les bourreaux d’accomplir leurs œuvres…

     

       Soudain, je m’éveille en sursaut, le front trempé de sueur, conscient d’avoir, encore un soir, vécu un cauchemar… Puis, je me rendors à nouveau…

     

       Je vois une grande salle, richement décoré, les murs blancs immaculés exposent des tableaux de peintures encadrés d’or et de pierreries…

       Quatre hommes s’amusent d’un jeu, dont le plateau est une mappemonde terrestre. Chacun, à tour de rôle, déplace ou engage en combat ses propres troupes, représentées par des soldats de plomb.

       Ces hommes sont différents, de par leur tenue vestimentaire, de par leur physionomie, mais tous ont la même lueur lubrique et dominatrice dans les yeux.

       Le plus petit, celui qui rit aux éclats lorsqu’il écrase d’un doigt dédaigneux une légion adverse, est vêtu d’un simple linge blanc, seul son visage buriné est visible.

       À sa gauche, un homme pansu, vêtu d’un costume cravate, un cigare cubain aux lèvres, savoure un verre de liqueur, les yeux rivés au plafond.

       En face de lui, un général d’armées. L’uniforme propre et net. Le regard fier, le menton relevé en signe de défi.

       À sa droite, le plus jeune d’entre eux, les joues mal rasées, le cheveux rebelle, le plus simplement vêtu, l’œil vif de celui qui est prêt à tout pour grimper les marches de la réussite.

       Tous trônent sur des fauteuils recouverts de soie. À leurs pieds, sont enchaînées des femmes-esclaves, nues.

       Lorsqu’un d’entre eux perd une troupe, il donne une tape de colère sur l’une d’elles, qui se met à gémir. De temps à autre, le gros homme au cigare prend un subtil plaisir à leur brûler les seins et les mains, se délectant de leurs ondulation de douleur.

       En jetant leurs dés, il arrive qu’une troupe militaire se trouve dans une zone civile, définie sur leur échiquier, alors, ils s’imaginent les carnages, les pillages, les viols collectifs, tous les actes que pourraient commettre leurs soldats ; ils en rient librement, sans état d’âme !

       Quant à moi, outré, caché derrière une lourde porte, je me décide enfin à entrer.

       Comme soudé à ma main, un long sabre à la lame effilée. Je ne peux desserrer l’emprise de mon membre ; mes doigts restent figés et crispés, je ne les commande plus. Sur la garde de mon arme est gravée une formule : le sang du vice te délivrera du mal.

       Cette énigme est pour moi un choc ! J’ai enfin la solution à mes errances !

       D’un pas décidé, je m’élance vers les quatre brutes assoiffées de gloires, de pouvoir, de richesse, de luxure… et, dans une fureur destructrice, mon bras s’abat sur eux, ne leur laissant aucune chance de survie. Leurs têtes roulent au sol dans un fracas assourdissant ; les murs immaculés sont maintenant éclaboussés de ma rage. Le planisphère est en totale confusion, toutes les troupes sont piétinées.

     

       Mais… Mes doigts ne se décrispent toujours pas. J’aperçois les femmes-esclaves et je brise alors leurs chaînes, pensant ne pas avoir accomplit mon devoir jusqu’au bout.

       Mais une fois libérées, elles me sautent dessus pour venger leurs maîtres. Condamné à me défendre ou à périr de leurs haines, bientôt leur sang se mélange à celui de leurs bourreaux.

       Le sabre ne veut pourtant pas abandonner ma main. Peut-être l’ultime solution est-il de me donner la mort à mon tour ?

       Dans un acte solennel, je transperce mon propre corps de la lame vengeresse…

     

       Dans un cri étouffé, mêlé de joie, ma main est libérée de l’arme…

       Je m’effondre dans le bain écarlate.

       Les yeux rivés sur un des tableaux. Je me plonge dans cette fresque, image d’un paradis verdoyant où s’ébattent gaiement des enfants, se serrant dans les bras…  


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    LA PIERRE ET LE SANG. Patrice, juin 1998.

     

       Personne n’est là pour sécher tes larmes

    Alors n’attends pas au risque de devenir fou !

    Avant toi, d’autres ont hurlé contre ces murs

    Et ont griffé jusqu’au sang la pierre.

      

       Demain peut-être dira-t-on que tu avais raison,

    Mais pour l’heure, tu croupis en prison.

    Ton crime : des mots ! Ton arme ? Une plume !

    Mais tu colles des mots aux causeurs de nos maux,

    Et ta plume salit ceux qui nous abusent !

    Ne sois pas surpris qu’ils n’apprécient pas

    Et profitent du pouvoir que nous leur abdiquons

    Pour te faire taire, pour te faire mal…

     

       Comme toi, je n’aime pas les armes

    Et je préfère les lettres ;

    Mais vois-tu, ceux qui nous affament,

    Ceux qui nous exploitent et nous avilissent,

    Eux, n’ont pas nos scrupules et usent

    De tous les moyens pour nous réduire au silence.

     

       Avant nous, d’autres ont hurlé contre les tyrans ;

    Furent-ils fusillés, guillotinés, assassinés, torturés

    Ou même brûlés sur d’expiatoires bûchers ?

    Les tyrans n’ont fait que nourrir les incendies

    Qu’ils ont eux-mêmes allumés :

    Et ils se brûleront de jouer avec le feu !

     

       Les murs de ces prisons s’effondreront sous l’horion

    Et de cette poussière naîtront les nouveaux humains ;

    Libres et affranchis ; les chaînes rouilleront.

    Et nous jouirons de nos sens et de nos êtres…


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    PARTOUT LA MORT. Patrice, 17 août 2000.

     

       Le chant des canons retentit dès l’aube ;

    Les troupes en marche soulèvent la poussière ;

    Le fer poli des sabres jouit de lumière ;

    Les sceptres dressés enchâssent l’orbe.

     

       Le tocsin résonne dans les campagnes,

    Les flammes ravagent les champs de blé.

    Les lames fauchent la vie avec hargne ;

    Le sang macule les corps blessés.

     

       Partout la mort, partout des pleurs !

    Des charniers vivants, bruissant dans l’herbe.

       Partout la mort, partout l’horreur !

    Quels espoirs pour fleurir sous glèbe ?

       Partout la mort, partout les larmes !

    Des corps décharnés foulent la glèbe…

     

       Une lugubre fumée assombrit le ciel,

    Les ténèbres ternissent le vol des corneilles.

    Les cris affolés devant l’ultime terreur,

    La meute désolée fuit cette ombre : la peur !

     

       L’inhumain impose sa loi,

    La loi du feu, la loi du sang !

    L’Humanité en sanglots, en lambeaux,

    Se terre, honteuse, devant ses bourreaux !

     

       Des nuages gris

    Cachent le soleil

    Qui se lève sur un nouveau matin.

       Les cauchemars de la nuit,

    Sont la peur au réveil,

    À l’orée d’un nouveau chagrin…


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    ORIFLAMME DE L’EMPYRÉE. Patrice, novembre 1999.

     

       Du ciel, descend cette lumière ;

    Inonde de vie les sources de la Terre ;

    Souffle le vent divin

    Dans l’esprit des humains.

    Des démons engendrés,

    Des paroles de l’empyrée ;

    Les armes s’expriment

    Et les pécheurs expirent !

     

       Dans les plaines, jaillissent des croix,

    La vie recule face à la foi !

    S’écoulent des ruisseaux de sang

    Et pleurent les innocents…

    À jamais gravées dans la pierre,

    Quelques lettres de regrets,

    Pour prier le Saint Père

    D’accorder sa pitié !

     

       Des arbres devenus potence,

    Y naîtront les fruits de la souffrance.

    Des bûchers de l’Inquisition,

    S’élève l’empyreume pardon.

    Des croisades de fières oriflammes

    Où partout règnent les flammes ;

    La fumée embrasse les cathédrales ;

    Pleurent ou sourient les grandes Morales !

     

       Comment moi, pauvre hère,

    Pourrai-je soutenir

    Ces Églises d’une autre ère ?

    Bien plus disposées

    À bénir les armes et les guerriers

    Qu’à les condamner, les renier !


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    ODE À L’ÊTRE AIMÉE. Patrice, 14 janvier 1998.

     

       Éperdu, fou d’ivresse

    De cette Diane chasseresse ;

    L’aigre-doux poison

    Coule en ma déraison,

    Ma grande affliction.

     

       Souvenirs amers d’images enivrantes,

    Envies secrètement brûlantes,

    Ardentes saveurs violentes.

    Survivrai-je à cette passion

    Qui m’emmure en sa prison ?

     

       Ton regard troublant,

    En ma mémoire d’amant ;

    Ton corps est splendeur,

    Jamais n’oublierai-je ses odeurs,

    Invocations aux désirs,

    Auxquels je cède avec plaisir…

     

       Mais, douleurs et regrets

    M’ont depuis lacéré.

    Tous les jours, à toi je pense,

    M’enfuyant en mes errances…

     

       Le monde est si désert autour de moi ;

    Peuplé de fantômes me hantant,

    Et murmurant ton nom de leur voix de sirènes,

    Provoquant en moi tant et tant de peines…

     

       Éperdu en tant d’émois,

    Je ferme les yeux, pleurant…


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